ASTREINTES et permanences statistiques 7 août 2023
Comment Orange a tordu le bras des négociateurs
La CFDT a refusé de signer des textes visant à un recul social avec quelques maigres contreparties en guise d’appâts
Depuis une décision de 2005, le sujet des astreintes n’avait pas évolué chez Orange, si ce n’est via une petite revalorisation du forfait en 2008, soit il y a 15 ans !
La CFDT ne pouvait rester inactive faisant face à ce constat et à l’inflation galopante depuis quelques années. Nos salariés en première ligne lors de la crise covid (appelés alors héros du réseaux par nos dirigeants mais sans reconnaissance tangible) devaient être mis sur le devant de la scène. Nous nous sommes emparés du sujet lors des négociations salariales puis la CFDT a été en octobre 2022 la première OS à demander l’ouverture de négociations Orange France sur les astreintes, notamment dans l’optique des JO 2024 dont Orange est le fournisseur exclusif des moyens de communications. Enfin, l’importance des astreintes dans la qualité de service d’Orange, importance dont nous avons tous été témoins face à la panne des numéros d’urgence, devait être traitée comme un sujet stratégique.
Avoir des salariés respectés, mobilisés, correctement rémunérés et engagés en cas de panne, c’est l’assurance pour Orange d’offrir des prestations commerciales de qualité ! Mais pour la CFDT, une bonne assurance, ça se paie ! Les enjeux étaient donc particulièrement importants : les négociations se sont ouvertes puis se sont ensuite déroulées de février à juillet 2023.
Première surprise, l’entreprise avait des objectifs bien différents de ceux des syndicats en ouverture de négociation. Les débats sur la revalorisation des astreintes n’étaient pas la priorité d’Orange. La direction nous a annoncé vouloir changer de cadre juridique pour ses permanences statistiques après s’être fait taper sur les doigts par l’inspection du travail à plusieurs reprises. Et pour changer ce cadre juridique, il leur fallait notre aide ! Pour résumer, ils ne respectent pas la loi et souhaitent un accord collectif pour pouvoir y déroger librement.
La CFDT a alors refusé catégoriquement de mêler les deux sujets et de subordonner une revalorisation des astreintes, en soit déjà méritée et légitime, à une contrepartie liée à la possibilité pour Orange de ne pas respecter la loi, et ce, avec l’assentiment des organisations syndicales. La direction, contrainte et forcée, a donc accepté la proposition des organisations syndicales de négocier deux textes séparés afin de ne pas lier ces sujets.
Revalorisation d’astreintes et sortie d’astreintes
* D’où venait les permanences statistiques ?
Orange avait été désignée pour fournir les prestations de la composante du service universel prévue au 1° de l’article L.35-1 du Code des postes et des communications électroniques. Dans ce cadre, Orange devait définir les dispositions nécessaires à la continuité du service, et notamment désigner les agents (fonctionnaires) dont la présence est absolument nécessaire, en raison de leurs fonctions ou de leurs compétences au maintien des services indispensables à la sécurité physique des personnes, à la sauvegarde des installations et du matériel, au fonctionnement des liaisons nécessaires à l’action gouvernementale et d’une façon générale aux activités essentielles de la vie de la Nation. C’était donc une dérogation à la règle des astreintes et pour des métiers et missions particulières de certains fonctionnaires.
Or, l’ARCEP précise que « depuis le 3 décembre 2020, il n’y a plus d’opérateur en charge du service universel pour les prestations de raccordement au réseau et de fourniture d’un service téléphonique. »
La logique aurait voulu que ces permanences soient abandonnées au profit d’un renfort des astreintes, pas qu’elles soient généralisées par voie d’accord auprès des salariés de droit privé, ceci à des fins d’économies, ayant pour résultat du moins disant social.
La CFDT a demandé de façon répétée une liste exhaustive des mesures attribuées localement pour les sorties d’astreintes : la direction s’est refusée à faire l’inventaire pendant la négociation de l’ensemble des notes, DU, accords locaux ou pratiques locales encadrant actuellement les astreintes. Nos adhérents nous ont parfois fait remonter certains textes et expériences vécues lors de négociations individuelles : il est clair que la CFDT ne pouvait se permettre d’entériner une règle nationale qui soit moins favorable que des accords ou mesures locales mieux-disantes. Nous parlons ici d’usages et d’accord locaux à dénoncer par l’entreprise si elle voulait les stopper unilatéralement. Ce seul accord leur permettant un nivellement par le bas sous couvert d’une signature par les organisations syndicales. Ce n’était clairement pas acceptable pour la CFDT … à moins d’une revalorisation conséquente au bout de 15 ans du temps d’attente des astreintes, profitant à tous et comparable aux meilleures entreprises du marché !
La CFDT avait donc revendiqué avec toutes les organisations syndicales l’atteinte du seuil symbolique des 600 euros pour une semaine complète d’astreintes. Lorsque l’entreprise a annoncé 478 euros et 50 centimes en fin de négociation, la CFDT a eu l’impression de recevoir l’aumône de la part de la direction. D’autant que beaucoup de décisions locales actuelles prennent en charge partiellement les forfaits internet ce qui gomme quasiment l’augmentation accordée gracieusement par l’entreprise. Quelle ne fût pas notre surprise en apprenant que nous avions été lâchés par la CFE-CGC, FO et CGT, prêts à accepter une telle proposition qui ne couvre même pas le manque à gagner des 15 dernières années.
Enfin, la CFDT déplore le refus catégorique de la direction de prévoir une clause de revalorisation automatique de l’indemnité. Cette revalorisation pourrait, à cause de cette signature, n’intervenir que tous les 3 ans… avec une inflation galopante, cela reste problématique, alors que l’entreprise devrait a minima en faire un sujet d’échanges chaque année, dans le cadre des négociations salariales.
Trop de renoncements pour peu d’avancées, la CFDT n’a pas souhaité cautionner par sa signature un tel texte, comme l’ont fait trois autres organisations syndicales.
Quid des permanences statistiques?
Ce dispositif était jusqu’alors inexistant dans le droit privé chez Orange, cette possibilité était ouverte pour les fonctionnaires afin d’assurer les obligations de feu le service universel * : le mettre en place pour des contractuels présente le risque de créer un précédent et bouleverser l’écosystème des astreintes.
De plus, le principe de volontariat reste très suggestif, il est possible de le dévoyer en cas de forte pression managériale.
Dans ce cadre, il était inenvisageable pour la CFDT de signer cet accord qui permet à l’entreprise d’abandonner les astreintes au profit des interventions exceptionnelles (permanences statistiques), ce qui conduira à du moins disant social pour les salariés avec la perte de rémunération d’un temps d’attente et un cadre de travail dégradé.
Pour la CFDT, l’entreprise Orange n’a jamais souhaité revaloriser les astreintes de façon conséquente : les salariés concernés ne devaient pas être trop satisfaits ou trop motivés de conserver leurs astreintes. Puis elle a voulu développer un dispositif de sortie d’astreintes qui soit moins disant par rapport à certaines décisions locales et qui leur permettrait à moindre coût de faciliter l’arrêt des astreintes partout, avec l’assentiment de syndicats signataires. Enfin, la volonté d’Orange serait de développer, à la place des astreintes, les permanences statistiques pour tous (fonctionnaires et salariés de droit privé), sans rémunération du temps d’attente. Pire, dans le dos des syndicats, elle a continué à ne pas respecter la loi sans attendre de savoir si les accords seraient valablement signés. La CFDT ne pouvait cautionner un système pervers très loin de nos revendications de départ qui visaient à valoriser les métiers avec astreintes. Et à maintenir une qualité de services !
La CFDT accompagnera et défendra les collègues impactés par cette nouvelle stratégie.
Les commentaires sont fermés.